Gens de Cœur by Oscar Huguenin

Gens de Cœur by Oscar Huguenin

Auteur:Oscar Huguenin
La langue: fra
Format: mobi, epub
Tags: Nouvelles
Éditeur: Les Bourlapapey bibliothèque numérique romande
Publié: 2014-12-28T20:48:50+00:00


Quand ses deux compagnons le rejoignirent, il leur remit l’affaire pour lire la lettre que lui tendait Perret, et qu’il n’ouvrit qu’après un moment d’hésitation.

Mais les premières lignes qu’il parcourut du regard lui donnèrent un éblouissement.

« … Henriette n’est pas mariée, tranquillise-toi, et si elle se marie une fois, ce n’est pas avec Arthur Huguenin : elle lui a donné son sac de la belle manière… ! »

Il passa la main sur son front et ferma les yeux. Une joie immense l’inondait, réchauffant son cœur engourdi et endolori depuis des mois. Quand il put reprendre sa lecture, il était transfiguré : sa taille s’était redressée, ses yeux brillaient d’un éclat joyeux. Il dévorait sa lettre. Arrivé au bout, il en relut quelques passages comme pour les savourer, puis replia soigneusement le bienheureux papier, le glissa dans sa poche avec un long soupir de soulagement, et revint, l’air attentif, se mêler au débat qui se poursuivait chaudement.

— Écoutez, maître Brown, fit-il nettement, coupant court à la discussion qui menaçait de s’éterniser, si vous nous prenez pour de ces pauvres diables de flotteurs Iroquois que vous écorchez sans vergogne, vous avez mal fait vos comptes. Nous sommes en règle avec le gouvernement, et nous n’avons pas peur de descendre avec notre train de bois jusqu’à Ottawa, où nous aurons bientôt fait d’en tirer trois ou quatre fois plus que dans votre misérable trou d’Utica ! Venez, garçons, allons souper !

Et il tourna le dos au Yankee, interloqué. Les deux camarades de Louis ne l’étaient pas moins. Où donc ce garçon rêveur, apathique, dégoûté de la vie, avait-il puisé cette subite énergie ?

Étonnés, intrigués, ils le suivirent docilement dans une des tavernes du lieu, sans vouloir se prêter aux tentatives d’accommodement du Yankee, qui s’accrochait à eux, désolé et furieux de voir une belle proie lui échapper.

— Ah ! çà, Richard, s’écria le gros Albert une fois attablé, tu commences joliment à te dégourdir, et si ça continue, tu vas nous en remontrer pour faire le commerce. Seulement, es-tu bien sûr de ton affaire ? Jusqu’à Ottawa il y a loin, et si on allait faire tout ce voyage pour n’y pas gagner grand’chose de plus, en fin de compte ?

Perret, qui observait Louis Richard du coin de l’œil, se chargea de répondre pour lui :

— Ne vois-tu pas que c’est un « truc ? » Il veut mettre la puce à l’oreille à ce vieil accrocheur de Brown pour lui faire desserrer les cordons de sa bourse ; hein, Louis, gage que j’ai deviné ?

Louis fit un signe de tête affirmatif et se mit à rire de si bon cœur, que la contagion gagna ses associés, qui ne l’avaient jamais vu si joyeux depuis leur départ de la mère-patrie.

Quand ils eurent repris leur sérieux :

— Voyez-vous, leur dit Louis en baissant la voix à cause du tavernier, il y a assez longtemps que le vieux coquin nous gruge. N’ayez pas peur, ça n’ira pas longtemps avant que nous revoyions sa barbiche de bouc.



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